Politique
Français à l’étranger au quotidien : la fiscalité
À l’occasion de la 36e session de l’Assemblée des Français de l’étranger, du 14 au 18 mars 2022, retour sur quelques thèmes majeurs concernant les Français établis hors de France.
Publié
3 ans agoon
Avec Alexandre Holroyd, député de la 3e circonscription des Français établis hors de France, et Jean-Maximilien Vancayezeele, directeur général délégué de Crystal finance.
Français à l’étranger : Quelques Français sont rentrés en France depuis la crise de la Covid, risquent-ils une double imposition ?
Alexandre Holroyd : Non, mais les départs et arrivées sont particulièrement compliqués pour les Français qui rentrent. Nous avons une fiscalité compliquée en France donc, lorsque l’on rentre ou que l’on part d’un autre pays, on combine deux fiscalités différentes. Quand on commence à ajouter les produits d’épargne ou des décisions patrimoniales, cela devient très compliqué. Pour les Français qui rentrent, il faut se préparer nettement en avance et recueillir des conseils sur la meilleure façon de rentrer. Il faut le faire impérativement de façon professionnelle. La situation de chaque Français en fonction du pays d’où il vient va être différente.
FAE : Peut-on simplifier en séparant les problématiques en Europe et hors Europe ?
A.H. : Cela simplifie les choses même si nous avons des cas particuliers comme le Royaume-Uni que je connais très bien. En règle générale, il est quand même plus simple de revenir de l’Europe. Il y a des exceptions comme le Danemark où il n’y a pas de convention fiscale bilatérale. Cela peut poser des problèmes de complexité pour des retraités qui reviendraient en France par exemple. Nous travaillons beaucoup sur ces questions et nous espérons qu’il y aura une nouvelle convention fiscale avec le Danemark dans un temps relativement proche. C’est un cas exceptionnel symptomatique d’une réalité qui est, qu’en fonction de là où vous habitez, il faudra se renseigner et prendre des dispositions spécifiques entre la fiscalité locale et française.
FAE : La CSG est un sujet épineux et qui évolue. Jean-Maximilien Vancayezeele, pouvez-vous nous éclairer ?
Jean-Maximilien Vancayezeele : En fiscalité, il y a la théorie avec les conventions, le droit fiscal des pays concernés, celui de mon épouse ou de mes enfants. Il y a un enchevêtrement de droits qui est bien plus compliqué lorsque l’on est non-résident et surtout lorsque l’on rentre en urgence, notamment lors de cette crise, et que l’on s’apprête à repartir. Il y a la théorie mais aussi la pratique. Il s’agit alors de savoir quels sont les processus permettant de se déclarer et si les administrations fiscales de ces pays sont prêtes ou non. Concernant les prélèvements sociaux (CSG, CRDS) pour les non-résidents, cela fait des années que nous travaillons et nous battons pour qu’il y ait un changement. Depuis la présidence Sarkozy, c’est un prélèvement à la source qui est fait sur les revenus immobiliers de source française pour des gens qui habitent à l’étranger alors, qu’usuellement, ils n’étaient pas imposables car ils ne bénéficiaient pas des structures sociales françaises. Il y a eu beaucoup de débats et de jugements à ce sujet. Aujourd’hui, nous sommes arrivés à un statut avec lequel nous sommes imposables à 7,5% dans l’espace économique européen et à 17,2% à l’étranger. Il y a eu un grand changement cette année avec le Brexit. Les résidents français au Royaume-Uni auront donc une imposition à 17,2% sur leurs revenus de source française.
FAE : Que change le Brexit en matière d’imposition et de fiscalité pour les Français ?
A.H. : Ce qu’il faut savoir sur la CSG et la CRDS c’est que l’exonération d’une partie de ces prélèvements a été à la faveur d’un des amendements que j’ai portés au PLFSS (Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale). C’est donc un combat que j’ai mené. Néanmoins, les Britanniques ont décidé de sortir de l’Union Européenne. Beaucoup de résidents britanniques qui ont des biens immobiliers en France vont donc potentiellement être soumis à ces prélèvements. Malgré tout, une question se pose en ce moment sur laquelle je travaille avec l’Administration fiscale. En effet, selon moi, les citoyens qui habitaient au Royaume-Uni au jour de la sortie devraient avoir toutes les dispositions qui leur sont propres gardées en l’état. On sépare donc le stock des citoyens qui habitaient au Royaume-Uni avant le Brexit du flux qui arrive après. Il y a une discussion que le Ministre du Budget et moi-même avons eu à l’hémicycle pour savoir comment cette réflexion s’appliquerait à la CSG-CRDS. Certains sont tentés de dire qu’il faut assimiler les Britanniques au régime non européen de ces prélèvements or l’accord de retrait est basé sur un principe : tous les citoyens européens habitant au Royaume-Uni et inversement gardent tous leurs droits à l’identique y compris dans l’imposition. Il est essentiel que cette distinction soit faite. C’est une réflexion en cours et une question d’interprétation que nous menons avec la Commission européenne.
FAE : Jean-Maximilien Vancayezeele, avez-vous beaucoup de clients qui viennent vous voir et qui sont dans des situations inextricables avec le Brexit ?
J.-M. V. : Cela n’a pas encore été le grand boom chez nous pour le moment. Nous avons beaucoup d’interventions sur les sujets CSG. On a, de temps à autre, demandé le remboursement de la part de l’Administration. Cette histoire de prélèvements a été très prenante. Sur le sujet du Brexit, les conséquences n’arrivent qu’en ce moment. Les gens les plus préparés ont pu imaginer faire des opérations. Au-delà de la fiscalité des personnes physiques, il y a la fiscalité des sociétés. Il y a tout un système d’intégration des sociétés, de réinvestissement des sociétés françaises vers des sociétés au Royaume-Uni qui saute car il ne s’agit plus de l’UE. Nous attendons de voir comment appliquer tous ces changements.
FAE : Il y a un problème récurrent et ancien avec la Direction des impôts des non-résidents (DINR) qui n’est pas joignable, ne réagit pas etc. Que se passe-t-il et y a-t-il des raisons d’espérer que cela aille mieux ?
A.H. : Oui car la majorité, depuis qu’elle est arrivée, s’est véritablement saisie de cette question. La DINR est la direction qui répond si vous avez une question sur vos impôts lorsque vous habitez à l’étranger. Elle a été sous-traitée par le Ministère de l’Économie et des Finances en 2017. Les effectifs de la DINR augmentent de façon significative depuis que la majorité est arrivée. Il y a une augmentation de presque 30% du personnel à la DINR à la demande des parlementaires des Français à l’étranger alors que le reste des administrations de Bercy ont plutôt tendance à diminuer. Cependant, nous devons être francs avec nos concitoyens : augmenter les capacités d’une direction ne se fait pas du jour au lendemain. Quand on dit recruter 50 à 60 personnes qui sont des spécialistes de la fiscalité, cela signifie les trouver et les former sur plusieurs années. Par exemple, cette année, la direction en recrutera plus de 40 qui mettront entre 6 mois et un an à être formés. Cela se fait donc graduellement. Il y a également eu beaucoup d’efforts de dématérialisation qui ont été faits. Il reste encore beaucoup à faire mais on peut, aujourd’hui, créer son espace en ligne ou encore avoir un numéro de téléphone unique pour appeler. La situation actuelle n’est évidemment pas assez satisfaisante mais elle s’améliore de façon considérable à l’impulsion des députés de la majorité. Pour vous donner un exemple : je suis à la Commission des finances de l’Assemblée nationale où il existe des rapporteurs spéciaux qui peuvent fouiller dans les activités de l’Administration avec un pouvoir conséquent. Pour la première fois de l’histoire, en tant que rapporteur spécial, j’ai pu observer la DINR pour l’évaluation de son efficacité ce printemps. Il s’agit de regarder en détail les missions, quels sont les moyens dont la direction bénéficie, là où il faudrait investir etc. Certains des personnels de la DINR font un travail remarquable mais on ne leur a pas donné les moyens ces dernières années pour remplir une fonction. Chaque contribuable est unique, il faut donc investir dans la numérisation, le personnel et cela prend du temps.
FAE : Beaucoup, avec la crise, sont partis en télétravail en France mais d’autres à l’autre bout du monde. Que se passe-t-il en matière de fiscalité dans ce cas ?
J.-M. V. : Globalement, on se retrouve face à la même confusion entre le visa de résidence et le fiscal. On peut très bien avoir un pays qui peut vous inciter à venir comme aux Émirats arabes unis où il y a eu une relance d’immigration politique d’Occidentaux ou encore à Maurice où il existe des visas télétravail. Les personnes préfèrent donc, plutôt que de vivre leur télétravail en région parisienne, s’installer dans une villa à Maurice les pieds dans l’eau. Le pays dans lequel vous irez vous donnera une résidence en termes d’immigration et pas fiscal. Mais il y a quand même des questions de fiscalité. Ce n’est pas parce que vous partez là-bas que vous serez forcément imposable comme, par exemple, aux EAU où il n’y a pas d’impôts. Imaginons que vous partez mais que vous laissez votre foyer en France, cas extrême mais qui peut arriver, vous payerez quand même des impôts en France. La fiscalité des non-résidents est un domaine d’une complexité extrême d’où l’importance de la DINR. Je ne connais pas de spécialiste capable de vous répondre sur n’importe quelle fiscalité dans le monde. Chacun se spécialise sur un, deux ou trois pays maximum. Nous avons beaucoup d’équipes consacrées à vous conseiller mais cela représente 20 ans d’investissement pour avoir des personnes complètement formées. Il n’existe pas d’école donc il faut les former sur le tas avec des exemples concrets. De plus, chaque client est unique.
FAE : Y a-t-il de plus en plus de contrôles ? Les États et les administrations fiscales communiquent-ils de mieux en mieux entre eux ?
A.H. : Oui, il y a beaucoup plus de contrôles et de coopération notamment au niveau de l’OCDE entre les administrations fiscales. Il faut faire une distinction très importante : dans l’écrasante majorité des cas, les Françaises et les Français à l’étranger sont des contribuables parfaitement honnêtes qui n’essaient pas d’échapper à quelconque impôt. Le mythe du Français qui essaye de magouiller pour échapper aux impôts est un fantasme qu’il faut dénoncer. Ce sont simplement des personnes qui veulent savoir où et ce qu’ils doivent payer et comment ils peuvent le faire. Nous devons leur apporter des réponses claires. La coopération entre administrations fiscales a comme vocation d’essayer de trouver les gens qui tenteraient d’échapper à l’impôt de façon illicite et donc de faire de l’évasion fiscale. Cela doit être une priorité de notre gouvernement mais il faut bien faire la distinction des choses. La fiscalité des Français à l’étranger n’est pas une question d’évasion fiscale mais de clarté. La majorité des contribuables qui ont des revenus en France me disent qu’ils ne comprennent pas ce qu’ils doivent faire. Il y a des injonctions contradictoires entre les administrations fiscales, on leur demande de lire des textes juridiques auxquels ils ne connaissent rien et nous devons amener de la clarté. C’est la responsabilité de l’État. Mais effectivement, en ce qui concerne les évasions fiscales, il y a de plus en plus de coopération entre les administrations fiscales et tout particulièrement entre les administrations de l’OCDE pour arriver à limiter ces cas.
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