Français en Espagne

Français à l’étranger au quotidien : formation et emploi

Français à l’étranger au quotidien : formation et emploi

Avec Pieyre-Alexandre Anglade, député de la 4e circonscription des Français établis hors de France, et Lucas Chevalier, directeur information, communication et valorisation d’Erasmus+ France.

Français à l’étranger : Est-ce encore le moment de partir à l’étranger chercher du travail ?

Pieyre-Alexandre Anglade : Il est évident que la pandémie rebat les cartes et que la mobilité internationale, en particulier hors de l’Europe, va évoluer. Ma conviction est qu’il faut continuer à partir vivre à l’étranger car c’est un enrichissement extraordinaire et, malgré la crise, les entreprises recherchent encore des travailleurs français et francophones. Nous sommes dans un moment de doutes et d’incertitudes qu’il faut prendre en compte mais, quand la situation sera moins difficile et que nous aurons vacciné largement en France et à l’international, la mobilité pourra se refaire.

FAE : Pieyre-Alexandre Anglade, vous avez l’expérience de la mobilité internationale. Que diriez-vous que cela apporte à une carrière, à une vie ?

P.-A. A. : Énormément de choses. Je considère que si je n’avais pas été expatrié à un moment donné dans ma vie, je n’aurais pas occupé les fonctions de parlementaire qui sont les miennes aujourd’hui. Cela m’a offert une ouverture sur le monde absolument extraordinaire ainsi qu’un enrichissement culturel, social et professionnel que l’on ne retrouve pas lorsque l’on fait l’ensemble de sa carrière dans l’Hexagone. Je pense que cette pandémie qui bouleverse beaucoup de choses dans nos vies quotidiennes, professionnelles, sociales et amicales est une invitation à aller redécouvrir l’étranger. Cela peut paraître contre-intuitif mais je pense qu’il faut se servir de ce moment pour sortir de nos frontières et continuer à porter l’international. C’est de cette façon que nous arriverons à sortir de cette pandémie tous ensemble.

FAE : À l’occasion de la crise, les Français sont-ils revenus massivement en France et ont-ils quitté leur poste de travailleur à l’étranger ?

P.-A. A. : Oui, il y a un retour en France qui est évident et naturel lorsque vous êtes confronté à une crise de cette ampleur. Lorsqu’il y a des conséquences sur la santé des uns et des autres, vous avez la volonté de retourner dans votre pays avec un système de santé que l’on connaît et auprès des nôtres. Je pense que rapidement, on verra les Français repartir à l’international, une fois que cela sera passé. Peut-être de façon différente. Les mobilités qui se faisaient de façon familiale dans un projet de vie commun seront peut-être plus courtes, à l’échelle de l’Europe et moins à l’international. Ma conviction est que les Françaises et les Français qui ont ce goût de l’international et de l’expatriation continueront à le faire vivre.

FAE : Les jeunes Français ont-ils justement le goût de l’aventure à l’étranger ?

P.-A. A : Oui ils l’ont. La France est un pays représenté sur l’ensemble des continents de la planète. La France est intrinsèquement un pays ouvert sur le monde. Le français est une langue parlée sur tous les continents et est extrêmement recherché dans le monde du travail. Les entreprises internationales ont besoin de francophones. Malgré la pandémie, je sais que les Français garderont ce goût de l’étranger.

FAE : Lucas chevalier, on pourrait se dire que le système d’Erasmus+ a pris un coup avec la crise sanitaire et pourtant, Erasmus+ continue à fonctionner. Pouvez-vous m’en dire un peu plus ?

Lucas Chevalier : Oui, Pieyre-Alexandre Anglade l’a très bien dit : les Français ont besoin de se projeter dans leurs études et les stages qu’ils peuvent faire à l’étranger. On l’a vu sur l’année 2019-2020 qui était une année académique très perturbée. Sur cette année, 74% des mobilités ont été effectuées. Une crise, c’est un moment de changement. Il y a donc une transition vers des modalités d’apprentissage qui sont différentes. De la même manière qu’on fait beaucoup de distanciel, dans les études, on fait de l’hybride. On passe par un temps de distanciel puis on fait cette mobilité physique. On a vu beaucoup de jeunes rester sur place dans les pays pour vivre une expérience de mobilité à l’étranger. Du point de vue des établissements (universités, centres d’apprentissage et écoles), beaucoup d’organismes nous demandent des subventions. C’est la première année où on a dépassé un record de demandes de subvention de 500 millions d’euros. C’est plus de 39% de demandes de projets adressés à l’agence Erasmus+. On voit donc cette appétence pour l’étranger dans les chiffres. On ne peut que s’en féliciter car c’est dans un moment de crise comme celui-ci qu’il faut construire son avenir en pensant au-delà des frontières qui nous sont imposées qu’elles soient physiques ou symboliques.

FAE : Comment se prépare-t-on à un projet Erasmus+ ?

L.C. : Il faut anticiper sur un an, six mois minimum. Erasmus+ est un programme qui fonctionne au niveau des établissements. Il faut donc en faire un enjeu d’orientation. C’est un sujet dans Parcoursup qui n’est pas intégré au niveau de la matrice mais qui se vit pour les familles et les jeunes qui se demandent quel établissement pourra proposer des mobilités à l’étranger. Les mobilités sont toutes différentes d’un établissement à un autre. Des CFA font des mobilités et d’autres non. Cela ne représente pas la même insertion professionnelle derrière. Nous avons comparé des cohortes de demandeurs d’emploi qui partent en Erasmus+ et d’autres qui ne partent pas et nous nous sommes rendu compte que le temps de la mobilité a été rattrapé. L’insertion professionnelle se fait plus vite avec des gains en confiance en soi et en multilinguisme. Il faut anticiper ce projet qu’on soit étudiant, apprenti ou demandeur d’emploi et se tourner vers les missions locales, Pôle emploi et d’autres acteurs de l’insertion qui peuvent aller sur les bourses d’Erasmus+ pour faire partir les personnes qui en ont le plus besoin. C’est ce vers quoi le nouveau programme 2021-2027 a été créé avec plus d’argent. C’est exceptionnel, nous avons été augmentés de 80% notamment sous l’impulsion du Président de la République. C’est un programme d’avenir et d’espérance. Pour les Français, c’est le premier acquis européen devant l’euro et la PAC.

FAE : Une autre grande institution est à connaître lorsque l’on cherche du travail en Europe, il s’agit d’Eures qui recense des millions d’offres d’emploi. Nous avons interrogé Alaoui Mimouni de Pôle emploi international pour nous parler de ce dispositif.

Alaoui Mimouni : Nos services regroupent trois axes : j’informe, j’oriente et je place. Informer signifie de donner la bonne information au bon moment. Nous nous rendons compte que l’une des principales difficultés des personnes ou des entreprises qui ont soit un choix de mobilité soit des envies de recrutement est qu’elles sont en déficit de connaissances. Eures peut donc apporter des informations de qualité pour permettre à ces personnes d’arriver à avoir une idée précise sur ce qu’ils veulent faire et comment ils peuvent le faire. Sur la notion d’orientation, cela signifie orienter vers le bon organisme, vers la bonne aide et vers le bon accompagnement. Il s’agit de trouver, après l’information, la solution que l’on peut mobiliser pour répondre à une problématique. Le placement, qui est l’axe le plus important signifie d’assurer la rencontre entre celui qui souhaite travailler et celui qui a du travail à proposer. Au travers de son site internet et de ses 2,5 millions offres d’emploi, Eures permet de faciliter cette rencontre.

FAE : Eures, c’est bien plus qu’un simple site d’offres d’emploi n’est-ce pas ?

A.M. : Effectivement, nous avons un site internet sur lequel on peut retrouver des informations mais Eures est surtout un collectif qui se traduit par 980 conseillers. Dans ces conseillers répartis sur l’ensemble du territoire européen, 70 sont dédiés à la mobilité internationale.

FAE : Est-ce un service gratuit ?

A.M. : C’est l’idée que nous défendons. C’est un service entièrement gratuit. J’insiste sur le fait que la mobilité peut s’adresser à tout le monde. Nous ne faisons pas de « discrimination financière » pour un projet de mobilité. Une personne qui a les compétences et, au regard de son projet et du conseil en évolution professionnelle dispensé par Pôle emploi, aura la possibilité d’être accompagnée gratuitement.

FAE : Concrètement, comment fait-on pour utiliser Eures ?

A.M. : Il faut déjà poser la question à son conseiller Pôle emploi sur la possibilité d’un projet de mobilité internationale. Sur le site d’Eures, vous avez accès à l’ensemble des coordonnées des conseillers pour pouvoir les contacter.

FAE : Pieyre-Alexandre Anglade, Eures est un système méconnu, que pouvez-vous faire en tant que politique pour le promouvoir ?

P.-A. A. : C’est un système peu connu mais qui fonctionne bien et auquel beaucoup d’Européens ont recours. Il faut en parler et c’est ce que nous faisons aujourd’hui. C’est ensuite à nous de pousser les feux sur ces projets européens qui fonctionnent. Erasmus est une réalité extraordinaire qui est connue de l’ensemble des citoyens français et européens et il y a d’autres beaux projets comme Eures que nous devons valoriser dans les discours politiques, les campagnes de sensibilisation.

FAE : Le système des Volontaires Internationaux en Entreprise (VIE) est un autre dispositif dans le domaine de la formation et de l’emploi. Christophe Monnier, directeur du programme VIE nous explique de quoi il s’agit.

Christophe Monnier : Le VIE est un programme public destiné aux jeunes âgés de 18 à 28 ans et qui souhaitent partir à l’étranger pour une expérience au sein d’une entreprise. Il s’agit toujours d’une entreprise basée en France qui dispose ou non de filiales à l’étranger. Ce sont des missions qui durent en général entre 6 et 24 mois. Elles sont ouvertes à l’ensemble des jeunes de nationalité française mais aussi issus de l’espace économique européen. Le programme VIE vient de fêter ses 20 ans. Il a été créé en l’an 2000 avec la suppression du service national en suivi des dispositifs de coopération qui existaient auparavant.

Depuis 20 ans, presque 100 000 jeunes ont bénéficié de ce programme et près de 10 000 jeunes sont actuellement en poste à l’étranger pour le compte de 2 000 entreprises. À l’origine, le programme était plutôt centré sur les grands groupes et il s’est ouvert au fil des années aux entreprises de plus petite taille y compris des start-up et des PME. Aujourd’hui, les trois quarts des entreprises utilisatrices du dispositif VIE sont des petites entreprises. Le VIE est une formule qui fonctionne très bien pour les entreprises et pour les jeunes. Les entreprises qui ont mis en place des missions VIE nous indiquent, une fois qu’elles sont terminées, qu’elles ont réussi à gagner de nouveaux contrats grâce à leur volontaire. La moitié d’entre elles embauchent leur VIE à l’issue du contrat et ces jeunes deviennent souvent eux-mêmes des responsables de filiales à l’étranger. C’est un tremplin de carrière pour le jeune. Soit il est embauché dans l’entreprise qui lui avait confié une mission soit, souvent, il continue une carrière à l’international dans d’autres entreprises. C’est grâce au dispositif VIE que la France a pu créer toute une génération d’entrepreneurs à l’international.

FAE : Pieyre-Alexandre Anglade, VIE est-ce un véritable succès d’autant plus qu’il sera étendu aux établissements français de l’étranger ?

P.-A. A. : C’est un succès extraordinaire. Je le vois dans ma circonscription des pays du Benelux. Beaucoup de jeunes, grâce à ce format, trouvent un premier emploi et s’insèrent sur le marché du travail dans des entreprises diverses et variées. C’est un tremplin incroyable.